Inondations de la Somme : l’épopée d’Abbeville en 2001

Confinement et pluie aidant, on regarde des vieilleries et les souvenirs remontent. Celui qui suit vaut son pesant d’or dans une vie de journaliste.

En 2001, la pluie est tombée pendant plusieurs mois de manière quasi incessante sur le département de la Somme. C’est ce qui a causé une explosion de nappe phréatique, auquel s’est ajouté un phénomène de grandes marées. Les Picards ont eu les pieds dans l’eau pendant des semaines. Les inondations de la Somme sont alors devenues un problème national.

Et qui ne se souvient pas de la rumeur d’Abbeville, selon laquelle les Parisiens auraient délibérément inondé leurs pauvres voisins.

https://www.ina.fr//video/AM00001257283/inondations-explications-et-rumeurs-video.html

La visite du premier ministre

Le 8 avril 2001, Lionel Jospin revenait d’un voyage en Amérique du Sud. Nous étions déjà en campagne présidentielle pour 2002. Dans l’avion du retour, il a plaisanté très imprudemment sur l’âge du président de la République. Bien sûr, les journalistes ont relayé cette information.

Le lendemain, le premier ministre décide de se rendre dans la Somme. Très en colère, il choisit délibérément de laisser le pool de journalistes qui le suit d’ordinaire à la capitale.

En poste en Picardie, on m’a demandé de couvrir la visite du chef du gouvernement avec une pression supplémentaire : nous étions presque la seule équipe sur place. Presque, car France 2 avait miraculeusement envoyé des journalistes.

Le piège du bus

Lionel Jospin est arrivé à Abbeville en hélicoptère. Il devait par la suite se rendre dans le petit village de Fontaine sur Somme. Pour le suivre, nous étions obligés d’emprunter le bus mis à notre disposition.

Vu l’heure tardive de la visite, il nous était impossible d’aller à Abbeville, puis Fontaine sur Somme avant de repartir à l’aérodrome en bus pour récupérer notre voiture et filer à la rédaction d’Amiens pour monter le reportage. J’ai donc demandé à notre stagiaire de se rendre à Fontaine sur Somme avec la voiture et de nous y attendre.

Prise à partie

Equipé de nos petites bottes en caoutchouc, nous voici donc sur les pas du premier ministre, sur les planches, dans les rues inondées d’Abbeville. Lionel Jospin est alors pris à partie par une dame à la fois très émue et en colère.

Nous étions derrière lui. Impossible dans ces conditions de faire une image correcte. Le caméraman m’a alors demandé : « Qu’est-ce qu’on fait ». Je lui ai répondu « Ben on saute ! »

C’est donc dans 80 cm d’eau que nous avons filmé cette scène terrible au cours de laquelle l’homme politique pragmatique, sans beaucoup d’empathie, répond froidement à la pauvre habitante d’Abbeville persuadée que les parisiens ont inondé son quartier.

https://www.ina.fr/video/AM00001256553

Piégés à Abbeville

Devinant que le reste de la visite allait mal se passer, les conseillers du premier ministre ont décidé de l’écourter et de ne pas se rendre à Fontaine sur Somme.

Ils nous ont donc ramené directement à l’aérodrome d’où l’hélicoptère est rapidement reparti, nous laissant, le caméraman et moi dans nos bottes qui faisaient gloup gloup, sans aucun moyen de locomotion !

Avec quelques minutes de réflexion, ou plutôt tergiversations, j’ai aperçu la voiture de France bleu Picardie. J’ai proposé au journaliste de conduire jusqu’à Amiens pendant qu’il écrivait son papier, en échange de quoi il a fait un crochet par la rédaction.

Et puisque les images étaient encore sur cassettes à l’époque, les journalistes du pool ont dû patienter le temps que je monte mon reportage chaussé de mes bottes qui commencaient sérieusement à sentir le moisi. Heureusement, le rédacteur en chef adjoint était là pour répondre à tous leurs appels téléphoniques angoissés.

Quand à notre stagiaire, il est revenu une plus tard avec la voiture. Il s’était perdu sur les petites routes de Picardie, avec mes chaussures sèches dans le coffre.

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