Avant de partir sur un faits divers, nous nous posons 2 questions : Est-ce que l’affaire est un fait de société ? Va t-elle avoir un retentissement particulier ? Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est oui, nous réalisons un reportage.
Le 8 juin 2018, nous avons appris la découverte d’un cadavre enterré dans le fond du jardin d’une résidence à Limoges. Il était évident que tout le monde parlerait de ce triste événement.
Le matin même, j’ai croisé le procureur de la République au palais de justice. Il m’a fait comprendre que la veille, il avait fini extrêmement tard, sans m’en dire plus. Il a fallu attendre le milieu de matinée pour qu’une fuite sur un journal national nous apprenne la nouvelle.
J’ai réussi à me procurer l’adresse de la résidence, et nous avons réalisé une enquête de voisinage. Parallèlement, notre équipe web s’est rendue compte que des appels avaient été lancés sur les réseaux sociaux suite à une disparition suspecte. Après quelques coups de fil, nous avons établi un lien de cause à effet.
Munis de tous ces éléments, j’ai appelé le procureur de la République qui n’a fait que confirmer les informations que j’avais pu recueillir, refusant de m’en dire plus. Il était évident qu’il ne voulait pas compromettre son enquête et chacun pourra le comprendre. Sur un faits divers, mon souci principal est d’informer sans handicaper le travail de la police.
Nous avons évoqué ce faits divers dans le journal de midi. Après cela, nous avons été contactés par la maman de la victime qui s’est émue que nous ayons évoqué l’affaire si tôt, avant que toute la famille soit informée. J’ai pu parler longuement avec cette dame, qui était anéantie par la disparition de sa fille.
La question est la suivante : doit-on attendre d’être sûrs que toute la famille a été informée avant de parler d’une telle affaire ? Déontologiquement, j’aurais tendance à répondre oui.
Mais dans la réalité, tout ne se passe pas aussi simplement. Sur une affaire de ce type, la police reste très discrète y compris avec la famille pour permettre à l’enquête d’aboutir plus vite.
Il nous est très compliqué de joindre les proches quand ils ne prennent pas l’initiative de nous appeler. Et puis est-ce aux journalistes d’appeler la famille sans être sûrs qu’elle a déjà tous les éléments ?
Le public a t-il le droit d’être informé autrement que par les réseaux sociaux ? La veille, la maman de la victime avait laissé un post public laissant penser à une issue tragique.
On touche à une matière éminemment humaine et je n’ai pas la réponse à toutes ces questions. A chaque fois, on fait en fonction de la situation.
Une chose est sûre, je ne donne que des informations confirmées et qui ne peuvent pas nuire à l’enquête. Je pense aussi que le procureur de la République aurait dû faire une conférence de presse pour mieux cadrer la communication autour de cette affaire.
